Cannabis : la «modération» plutôt que l’abstinence

par Michel Henry
publié le 24 avril 2012 à 21h26

François Hollande serait bien avisé de lire ce petit livre précis et pragmatique. Il y comprendra peut-être pourquoi il a eu tort de rabrouer, la semaine dernière, son conseiller en sécurité, François Rebsamen, qui proposait de punir l'usage de cannabis d'une simple contravention, au lieu de la peine maximale d'un an de prison ferme prévue par la loi de 1970. «La nécessité de l'interdit ne doit pas être affaiblie», affirme le candidat PS, par peur de passer pour laxiste. Mais sa perception du sujet est erronée. Car, comme l'explique Francis Caballero, non seulement la prohibition n'empêche pas une consommation massive depuis quarante ans, mais elle crée des «effets pervers» comme l'économie parallèle et le trafic. Quant à la répression des usagers que Hollande entend maintenir, elle ne résout rien, et s'applique de façon «injuste et arbitraire», en ne touchant que certains consommateurs, souvent issus des quartiers populaires.

A l'inverse, l'auteur, déjà à l'origine d'un Droit de la drogue (1989, Dalloz) qui fait autorité, milite depuis plus de trente ans pour une «légalisation contrôlée», qui permettrait de «lutter contre le trafic et protéger la santé publique». Comment ? L'avocat parisien créerait une «Française du cannabis», régie nationale de production, disposant d'un monopole sur la distribution à travers un réseau de «cannaboutiques». Objectif : «Prendre le marché aux trafiquants pour le confier à l'Etat.» Des «planteurs» seraient agréés et soumis à des contraintes, notamment sur la qualité des produits, dont le taux de THC, le principe actif du cannabis, serait limité.

Côté consommateurs, plutôt que l'abstinence, il faut viser la«modération», assure Caballero, comme pour les drogues légales (alcool, tabac). Il entend interdire la consommation sur la voie publique, prohiber la vente aux mineurs et appliquer au commerce des «conditions plus strictes» que pour le tabac ou l'alcool. Caballero veut taxer les «cannaboutiques» à 25% pour financer des actions de prévention. Il connaît les limites de son système : la «banalisation de l'usage» et une possible hausse de la consommation. Mais le risque n'est pas automatique : aux Pays-Bas, pays de tolérance depuis trente-cinq ans, la consommation, par rapport à la population, est deux fois moindre qu'en France.

«Legalize it !» Francis Caballero, L’Esprit frappeur, 271 pp., 10 euros.

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